Endroit: Notre-Dame de la Salette
Date: Jeudi 17 septembre
ET LE MYSTÈRE DE MARIE MÈRE DE JÉSUS
Bonsoir !
C’est un grand plaisir pour moi de prêcher ce triduum pour ce qui me concerne, ça va être plutôt un “biduum”, puisque le troisième jour, c’est Mgr Couture qui va lui-même donner l’enseignement dans son homélie. Comme thème de la prédication, j’ai choisi de parler, non pas directement du message de la Vierge à la Salette Michel Marcotte vous en parle souvent et encore mieux que je pourrais le faire , mais j’ai choisi de parler de Marie surtout à partir de la Parole de Dieu. Pour ce soir, j’ai choisi comme titre de l’entretien : « Notre-Dame de la Salette et le mystère de Marie mère de Jésus ». Le mot à souligner est le mot « mystère ». C’est jeudi. Vous savez, la spiritualité du jeudi, dans l’Église, est une spiritualité ouverte, je dirais même : une spiritualité souriante; quand on récite le chapelet le jeudi, on médite soit les mystères joyeux, soit les mystères lumineux; en plus, le jeudi, on rappelle tout spécialement l’origine de l’eucharistie et du ministère des prêtres, dans le prolongement du premier Jeudi saint, au cénacle, quand Jésus a pris son dernier repas avec ses douze compagnons de route. Demain vendredi, je vais parler plutôt de la réconciliation, ne fût-ce que pour toucher au cœur même du message de la Salette. Le vendredi, il me semble que ça adonne bien : autant la spiritualité du jeudi est légère et joyeuse, autant celle du vendredi est grave, tout intérieure, en souvenir du premier Vendredi saint; on se rappelle l’heure de la croix, des ténèbres et de la mort. Voilà pour le programme des deux enseignements que je vais donner.
L’objectif
Ce soir, mon objectif est à la fois simple et important : je l’ai dit, je voudrais essayer de replacer la dévotion à Notre-Dame de la Salette dans l’horizon beaucoup plus large de la Parole de Dieu. Comme vous le savez, le Pape Benoît m’a invité personnellement à prendre part au dernier Synode universel des Évêques au Vatican, pendant tout le mois d’octobre dernier. Ce Synode portait sur la Parole de Dieu. J’ai eu l’occasion, dans des conférences par après, de témoigner publiquement de l’espérance incomparable que la Parole de Dieu apporte pour un renouveau profond de toute l’Église, tout particulièrement au Québec, où la déchristianisation de notre société est profonde et rapide. Mais la déchristianisation, ce n’est pas énervant du tout : on doit y voir plutôt un beau défi, un défi extraordinaire pour faire du neuf. Pas tout seuls. Mais en mettant à profit la puissance de Dieu, la puissance insoupçonnée de sa Parole.
Une spiritualité particulière
Pourquoi, dans un triduum organisé par le Centre Notre-Dame-de-la-Salette, élargir ainsi la perspective, et ne pas me limiter au message confié à Mélanie Calvat secondée par Maximin Giraud ? Je vais essayer de vous expliquer.
La dévotion à Notre-Dame de la Salette est une spiritualité particulière. Dans l’Église, les spiritualités particulières, quand elles sont authentiques, sont toutes valables et très utiles. Mais elles insistent sur un ou quelques aspects d’un mystère qui, dans sa totalité, est encore plus riche. L’aspect peut-être le plus beau de la spiritualité de la Salette, c’est l’accent très fort mis sur la réconciliation. Ça m’apparaît tellement essentiel que je vais consacrer à ce thème tout mon exposé de demain soir, comme je l’ai signalé tantôt. Toutefois, aucune spiritualité particulière n’épuise toute la richesse du mystère. Par exemple, les manifestations diverses de Marie mère de Jésus à travers l’histoire ont toutes insisté sur des aspects particuliers : à Guadalupe au Mexique, la valorisation des autochtones, à Lourdes, la contemplation de l’Immaculée Conception et l’attention aux personnes malades et handicapées. J’hésite davantage à mentionner Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, parce que l’Église ne s’est pas encore prononcée officiellement sur les phénomènes qui s’y passent au Synode, j’ai mangé presque tous les jours avec l’archevêque de la Bosnie, le cardinal Puljic, et une fois on était devenus bons amis , j’ai osé lui demander ce qu’il pensait de Medjugorje : il a bien patiné, aussi habilement qu’un joueur de hockey… En tout cas, dans un pays il n’y a pas si longtemps déchiré par la guerre, l’ancienne Yougoslavie, l’essentiel du message des apparitions porte sur la paix : paix entre les nations, paix entre les diverses confessions religieuses, paix à l’intérieur des familles, et paix que chacun a à recréer sans cesse au fond de son cœur… En tout cas, on peut au moins s’appuyer sur la Parole de Dieu pour faire, de la paix, un objectif majeur qui concerne et implique toute l’humanité…
Un angle de vision
Je reviens aux messages de la Salette. Comme c’est le cas dans d’autres révélations privées, on y trouve une vision un peu effrayante et “épeurante” de l’après-vie : des âmes qui brûlent dans le feu, des prêtres et des religieuses châtiés pour leurs infidélités, des menaces de fléaux naturels sur de grandes agglomérations urbaines, une insistance sur la colère de Dieu j’ajouterais : en conformité avec une spiritualité qui s’est développée beaucoup au XIXe siècle, à l’époque de Mélanie Calvat, et qui a maintenu alors un certain nombre de personnes à l’intérieur d’un réel chemin de sainteté. Tout cela, feu, fléaux, châtiments, colère divine, se retrouve déjà dans la Parole de Dieu, et pas seulement dans le Premier Testament mais aussi dans le Nouveau, y compris les évangiles. Mais, c’est une règle d’interprétation dans l’Église, on ne doit jamais isoler un thème biblique sans le resituer dans l’ensemble de la Parole de Dieu. Même dans les apocalypses et les oracles de châtiment chez les prophètes, la Bible ne met jamais l’accent principal sur la destruction, mais sur le renouveau : on secoue le tapis sale pour le débarrasser de sa poussière, et recommencer à neuf. En 2009, c’est évident, il y a encore des catastrophes, des infidélités et des scandales. Il me semble que d’abord et avant tout, on doit relire notre temps, le temps présent, à la lumière de la Parole de Dieu. Si le déluge, dans la Genèse, est déclenché pour noyer l’humanité devenue méchante, ce n’est pas du tout pour satisfaire une sorte de vengeance et de colère divines, mais tout simplement pour donner à l’humanité la chance de repartir à neuf, avec Noé (Genèse 6̶ 9). Même chose vers la fin de l’Apocalypse de saint Jean : si on annonce que les premiers cieux et la première terre vont disparaître, c’est pour faire place aux « cieux nouveaux » et à la « terre nouvelle », un monde enfin débarrassé du mal, du péché et de la mort (Apocalypse 21,1).
Ce que je vous proposerais, ce soir, c’est d’essayer de replacer Notre-Dame de la Salette dans une vision biblique de printemps. Notre Québec, autrefois bien religieux mais marqué aujourd’hui par une foule de ressentiments et de souvenirs négatifs, a un urgent besoin d’un nouveau départ : un nouveau départ, pas dans le clos, mais sur la piste bien asphaltée de la Parole de Dieu. Le printemps, c’est la saison de tous les espoirs. Au Centre Notre-Dame-de-la-Salette de Chicoutimi, vous savez bien ce que c’est, un nouveau départ. Sur le site web du Centre, Rita Vigneault et Laurent Arseneault ont accepté de télécharger un témoignage prenant qu’ils avaient déjà donné, en 1991, aux quelques habitués du Centre. En versant cela sur l’internet, ils ont pris le risque que leur expérience fasse le tour de la planète. Vous savez, avec les ordinateurs aujourd’hui, le temps et l’espace sont réduits à presque rien. Qu’est-ce qu’on peut retirer du témoignage de Rita et Laurent ? Quand on vit de graves épreuves conjugales, il faut lessiver le passé, comme par un déluge, et repartir à neuf; et la barque, l’arche qui protégeait la vie à l’époque de Noé, c’est devenu maintenant l’Église.
Une icône impressionnante
La Salette nous présente en gros plan l’image d’une Vierge qui pleure. C’est un des aspects les plus émouvants et les plus touchants de la spiritualité mariale. Le fondement biblique est évident : Marie au pied de la croix (Jean 19,25-27) l’évangile ne dit pas qu’elle pleurait, mais toutes les générations de croyants et d’artistes ont imaginé Marie en larmes ; et tout cela avait été anticipé dans la prophétie du vieillard Syméon qui annonce à la jeune mère qu’un glaive va lui transpercer le cœur (Luc 2,35). Ce visage d’une Marie en pleurs nous rejoint d’autant plus que bien des fois, dans la vie, on a nous autres mêmes le réflexe et le besoin d’éclater en larmes. À ce propos-là, la seule différence entre les hommes et les femmes, c’est que les femmes ne se cachent pas et le font assez naturellement devant les autres ! Mais l’image de la Vierge qui pleure n’épuise pas tout le mystère de Marie.
Une variété de portraits
Comme le dernier Synode nous y invite, il est utile et même urgent de tout situer, donc aussi la spiritualité mariale, dans l’horizon beaucoup plus large et riche de la Parole de Dieu. Pourquoi ? Pour trouver l’équilibre. Or la Bible, plus exactement le Nouveau Testament, nous présente quatre visages de Marie. Et ils sont tous différents : un dans l’évangile de Matthieu, un chez Marc, chez Luc et chez Jean. Pour saint Matthieu, Marie, c’est l’épouse. Elle reste un peu dans l’ombre de saint Joseph. Vous savez, l’évangéliste s’adressait principalement à des communautés chrétiennes de Juifs convertis. Et chez les Juifs, comme actuellement chez beaucoup de musulmans et comme il n’y a pas si longtemps chez nous au Québec, l’homme, le père, est au centre de la famille : c’est lui qui pourvoit aux besoins d’un peu tout le monde. Le visage de Marie dans l’évangile de Matthieu est utile, spécialement pour éclairer la vie de couple. Vous savez que j’aime beaucoup les petites comparaisons. Surtout quand un prédicateur parle depuis plusieurs minutes, les comparaisons concrètes permettent aux auditeurs et auditrices de se raccrocher et de mieux suivre. Marie et Joseph, dans le premier évangile, c’est un peu, je dirais, comme deux colombes : vous savez, les colombes, ce sont des oiseaux fidèles en couple, et pacifiques. Joseph s’arrange pour que Marie ne manque de rien, et, dans l’épreuve, il la protège : entre autres choses, il l’éloigne de la fureur meurtrière du roi Hérode.
Passons maintenant au deuxième évangile. Le visage de Marie, chez saint Marc, est complètement différent. Marie, c’est un peu comme la matrone romaine qui est au centre du clan familial large et qui a de l’autorité. On sait que Marc l’évangéliste était le compagnon de saint Pierre et qu’il l’a accompagné à Rome, au cœur de l’empire. Le visage de Marie dans l’évangile de Marc est utile, spécialement pour éclairer le rôle social de la femme. Pour continuer dans les petites comparaisons animales, je dirais que Marie, dans le deuxième évangile, est un peu comme une outarde de tête : vous savez, celle qui, pendant la migration, se met en avant du groupe pour fendre le vent et indiquer le chemin à suivre. Vous le savez bien, c’est ce que, bien souvent, Marie accomplit dans nos pauvres vies à nous : nous précéder et nous indiquer le chemin.
Le troisième évangile est celui qui met le plus en valeur le rôle et l’importance de la femme, et cela, dans plusieurs passages différents. Chez saint Luc, Marie apparaît comme la femme libre, autonome : elle voyage seule, elle prend des décisions, elle est toute recueillie, contemplative. Par deux fois, l’évangéliste écrit : « Marie mettait toutes ces choses ensemble et les méditait dans son cœur. » (Luc 2,19.51) Comme modèle animal de liberté, j’ai pensé au chat. Vous savez, les chats, en général, sont assez indépendants; et, comme dit le proverbe, quand vous avez un chat dans votre appartement ou votre maison, ce n’est pas lui qui habite chez vous, mais vous qui habitez chez lui ! Le visage de Marie, femme libre et autonome, peut éclairer un sain féminisme et aussi toute la dimension contemplative qui dort au plus profond de tout être humain.
Enfin, la Marie du quatrième évangile apparaît essentiellement comme la mère universelle. On la trouve deux fois, en des circonstances stratégiques. À Cana, d’abord, elle nous dit, comme elle l’a dit aux servants de la noce en leur montrant Jésus : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » (Jean 2,5) Au pied de la croix, on le sait, Jésus nous la confie et nous la donne. « Il dit au disciple : Voici ta mère. Puis il dit à la mère : Voici ton fils. Et, à partir de cette heure, le disciple la prit chez lui. » (Jean 19,25-27) Mes amis, vous les croyants, les disciples de Jésus, et encore plus vous, les dévots de Notre-Dame de la Salette, vous avez accueilli Marie dans votre maison intérieure. Mais rendons-nous bien compte qu’en faisant cela, vous avez ouvert votre porte à toute l’humanité. Car, depuis l’heure de la croix, Marie compte parmi ses enfants tous les humains sans exception qui sont remontés du singe, depuis Adam jusqu’à aujourd’hui. Cela exige de nous d’incroyables attitudes d’ouverture, de tolérance, de compréhension et d’indulgence à l’égard de tous les humains, de quelque race, nationalité et religion qu’ils soient. Je m’en voudrais, pour cette quatrième figure évangélique de Marie, de ne pas trouver de comparaison animale appropriée. Je vais même vous en proposer deux : une, légendaire, l’autre, réelle. Vous vous rappelez peut-être la légende d’enfance des deux fondateurs de la ville de Rome, Romulus et Rémus : on dit que, tombés orphelins, ils ont été allaités et élevés par une louve. L’autre image est plus réelle : vous avez sans doute vu, au moins à la télévision, des cannes (des mamans canards) qui adoptent des poussins après la mort de la mère poule. Marie nous adopte tous, comme la louve de la légende, ou comme le canard femelle qui ne fait aucune discrimination entre ses petits à elle et ceux qu’elle a adoptés. Marie prodigue le même amour, à nous, ses fils adoptifs, qu’elle a prodigué et qu’elle prodigue encore dans l’éternité au fils unique né de son ventre, Jésus. Le cœur d’une mère n’a pas de barrière. Le cœur de Marie, la mère universelle, est large à l’infini…
Conclusion
En terminant, permettez que je résume mon propos. Mes chers amis, c’est vraiment magnifique que vous nourrissiez une dévotion particulière à Notre-Dame-de-la-Salette. Il faut non seulement continuer, mais développer, publiciser et étendre. C’est vrai que je vous ai invités à replacer cette spiritualité dans l’entièreté du mystère de Marie glorifiée. Cet élargissement de perspectives n’est peut-être pas nécessaire pour tous les habitués du Centre, sur la rue Don Bosco, mais au moins, il me semble utile pour les responsables du Centre. Au fond, dans toute recherche intérieure, il faut rechercher et respecter un sain équilibre : équilibre entre Marie et Jésus, entre l’humanité et la divinité, entre l’enseignement doctrinal et les témoignages, entre la spiritualité de la Salette et les diverses spiritualités encouragées par l’Église. Vous savez ce qu’est un monocycle : cette sorte de vélo à une seule roue que les acrobates utilisent dans les cirques. Quand on monte sur un monocycle, c’est difficile de garder l’équilibre; il faut être très habile. Sur une bicyclette, c’est déjà un peu plus facile, mais, vous le savez, il faut rouler pour rester en équilibre sur les deux roues. Par contre, sur un banc à trois pattes ou une chaise à quatre pattes, vous pouvez vous reposez sans crainte. La spiritualité est un peu comme cela : plus on a de points d’appui, plus on est solide et stable. Toutes les spiritualités sont utiles pour nous maintenir en équilibre…
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Vendredi 18 septembre
LE MESSAGE DE RÉCONCILIATION
Hier soir j’ai parlé de Marie, mère de Jésus et notre mère à tous. Au lieu de me limiter à la spiritualité particulière de la Salette, j’ai essayé de resituer celle-ci dans l’ensemble du mystère de Marie tel qu’on peut le contempler dans la Parole de Dieu. Ce soir, je veux me recentrer sur le thème qui m’apparaît le plus central dans le message de la Salette : la réconciliation. Mais encore là, pour être fidèles aux orientations de l’Église et du Synode d’octobre dernier, je veux resituer l’exhortation de la Vierge à la réconciliation dans la perspective globale de la Parole de Dieu.
Un peu d’étymologie
Qu’est-ce que ça veut dire, au juste, le mot « réconciliation » ? Quand on veut comprendre le sens d’un mot, c’est souvent utile de fouiller l’étymologie. Dans le mot « réconciliation », il y a le mot « concilier », et même le mot « concile ». « Concilier » est un mot latin qui est calqué sur le grec : « con- » veut dire « avec », et « cilier » signifie « appeler » ou « mettre en mouvement ». Un concile œcuménique, par exemple, c’est une convocation, un appel à chacun des évêques du monde entier à se mettre en mouvement pour se réunir avec les autres. L’idée la plus importante, ici, c’est celle d’appel. Plus précisément, c’est quoi, une réconciliation ? C’est un appel à revenir avec quelqu’un après une brouille, une chicane. Le message de réconciliation à la Salette est un appel. Quand on reçoit un téléphone, on entend une sonnerie. Maintenant, avec les cellulaires, ça sonne partout : sur la rue, dans les centres d’achats, dans les autobus, et même dans les églises pendant les messes ! La sonnerie, c’est toujours un peu désagréable : on fait un peu le saut, surtout quand on ne s’y attend pas ou qu’on est concentré sur un travail ou en train d’écouter un film captivant. Bien avant la Vierge, la Parole de Dieu nous adresse de nombreux appels à nous réconcilier, d’une manière répétitive et insistante. Ça peut paraître, je dirais, aussi fatigant qu’un téléphone qui n’arrête pas de sonner. Mais c’est un moyen nécessaire pour nous tenir en haleine, en état d’alerte.
Quatre niveaux de réconciliation
Notre monde a un énorme besoin de réconciliation. Un urgent besoin de réconciliation. Moi, je distinguerais quatre niveaux : besoin de réconciliation entre les humains, besoin de réconciliation des humains avec la nature, besoin de réconciliation des humains avec Dieu, et besoin de réconciliation de l’Église avec le monde d’ici. Même si le message de la Salette touche principalement le troisième niveau, je pense qu’on ne peut pas, dans le contexte actuel, faire abstraction des trois autres.
1° Réconciliation des humains entre eux
D’abord, comme êtres humains, on n’a pas le choix d’entamer constamment des démarches de réconciliation : réconciliation entre les nations, entre les religions, entre les partis politiques, entre les régions, entre les villes, entre les membres d’une même famille, entre les conjoints, et même, si vous me permettez l’expression, tout commence par le besoin de se réconcilier avec soi-même.
Entre les nations, on se chicane, on se bat, chacun tire la “couverte” de son côté : j’ai parlé hier de l’ancienne Yougoslavie, divisée maintenant entre les Croates, les Serbes et les Bosniaques; on pourrait parler de l’Iraq, où les deux grands courants de l’Islam, les sunnites et les chiites, s’en veulent et s’entretuent, ou de l’Afghanistan, avec ses talibans qui font la pluie et le beau temps en tout cas, pour nos soldats canadiens, c’est plutôt l’orage électrique perpétuel et la foudre qui tombe à chaque semaine... En politique, on joue le jeu de la chicane qui n’en finit pas. Et quand il y a des compromis, ils sont souvent commandés plus par l’intérêt du parti que par le bien public. À l’ère de la mondialisation, on n’a pas le choix de chercher des solutions de réconciliation.
Entre les régions et les villes, vous le savez, c’est l’éternelle compétition. Et les plus forts ont plus de chances de gagner. On voit cela un peu dans les changements d’humeur des maires des grandes villes à propos des subventions et des festivals, ou même à propos de la prière avant les assemblées du conseil !
Dans presque toutes les familles, il y a des gens qui se tournent le dos, parfois pour des raisons aussi futiles que des questions d’argent ou d’héritage. Vous connaissez la belle parole de Jésus, dans l’évangile de Matthieu, belle mais un peu difficile à avaler : « Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande. Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin… » (Matthieu 5,23-25) Dans nos familles, les laissés pour compte sont souvent des marginaux, ceux qu’on ne comprend pas et qu’on rejette, comme les drogués, les alcooliques, les homosexuels ou les malades mentaux. On pourrait même ajouter, de nos jours : les individus qui vivent des expériences spirituelles fortes. Rappelez-vous à quel point Mélanie Calvat a été incomprise, traquée et malmenée. C’est toujours difficile d’être attentif au mystère d’une autre personne…
À l’intérieur des couples mariés, les petites mésententes occasionnelles sont assez inévitables, et elles sont souvent une occasion d’amorcer un dialogue constructif et de renforcer l’amour. Mais souvent, on reste accroché : on se blesse, on boude, on se tire des couteaux, au moins au sens figuré, et le beau projet de vie à deux risque de s’écrouler comme un château de cartes. Besoin de s’entendre, de se comprendre, de se réconcilier. L’évangile de Matthieu, au début, nous raconte un peu la crise de confiance que Marie et Joseph ont dû affronter avant même d’habiter sous le même toit. Dans ce cas-là, Dieu lui-même, par son ange, a dû intervenir pour que tout ne tombe pas à l’eau (Matthieu 1,18-25)…Au fond, les problèmes commencent quand, en tant qu’individu, on n’est pas bien dans sa peau. Avant de travailler à la réconciliation entre les peuples, entre les religions, à l’intérieur de la famille ou du couple, il faut d’abord se réconcilier avec soi-même. Vous le savez, s’accepter tel qu’on est, avec sa petite histoire, son bagage génétique, son petit caractère et ses susceptibilités, c’est tout un défi ! Toute démarche de réconciliation, il me semble, commence par une bonne plongée au fond de soi-même, pour faire le ménage et mettre de l’ordre. Et ça ne se fait pas sans aide. De ce point de vue là, je sais que le Centre Notre-Dame-de-la-Salette a fait et fait encore beaucoup de bien. D’ailleurs, sur le site internet du Centre, on énonce en 21 points les principaux aspects de la « spiritualité des Missionnaires de la Mère de Dieu ». Or, les points 2, 3, 4 et 5 portent sur la réconciliation, et tout commence, au point 2, par la réconciliation avec soi-même. Vous pourrez vérifier par vous-mêmes si vous avec l’internet.
2° Réconciliation des humains avec la nature
Une autre démarche qui devient de plus en plus importante et incontournable dans le monde d’aujourd’hui, c’est la réconciliation des humains avec la nature. La nature, on est en train de la piller, de la “scraper”, si vous me permettez pour une fraction de seconde de violer la loi 101. Dans les plus grandes villes, l’air devient quelquefois irrespirable. On gaspille l’eau traitée au chlore et au fluor, et on pollue les fleuves, les mers, jusqu’aux océans. On déboise à grande échelle, et la terre cultivable tourne en désert. Les réserves de poissons diminuent à cause de la surpêche. On nous alerte sur l’amincissement de la couche d’ozone, le réchauffement climatique et la fonte des glaciers. Tout cela nous pousse, de toute urgence, à nous réconcilier avec Mère Nature, pour développer des attitudes de respect, de vénération même, et de simplicité volontaire.Dans la Bible, la réconciliation a une ampleur cosmique : elle concerne tout l’univers. Saint Paul l’a compris mieux que tout autre. Je cite un extrait frappant de sa lettre aux Colossiens : « [Dans son Fils Jésus], Dieu s’est plu à faire habiter toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » (Colossiens 1,20-22) Dans la lettre aux Romains, Paul compare toute la création à un fœtus qui « gémit dans les douleurs de l’enfantement », « dans l’attente d’être libérée de l’esclavage de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Romains 8,19-22). En surexploitant la planète, allons-nous bêtement tuer le fœtus et compromettre la nouvelle création ? Sur le plan écologique, nous avons besoin d’une urgente réconciliation. Et le virage vert n’est pas du tout étranger à la spiritualité.
Marie était certainement une femme écologique. On pourrait dire, pour le moins, qu’elle ne cuisinait pas avec des légumes et des viandes engraissés au chimique, et que, puisque la tradition nous la montre voyageant à dos d’âne, elle ne polluait vraiment pas l’air de l’ancienne Palestine comme le font aujourd’hui nos millions d’automobiles et d’avions !
3° Réconciliation des humains avec Dieu
J’en viens maintenant au troisième niveau, qui concerne plus directement le message de la Vierge de la Salette à Mélanie Calvat et Maximin Giraud : la réconciliation des humains avec Dieu, la réconciliation des pécheurs. Je reviens à la « spiritualité des Missionnaires de la Mère de Dieu », telle que le Centre Notre-dame-de-la-Salette la promeut. L’article 4 se lit comme ceci : « Le membre s’engage à vivre le sacrement de la réconciliation régulièrement afin de se libérer de tous les esclavages qui l’empêchent d’être à l’image et à la ressemblance du Père. » Il y a ici une référence voulue au premier récit biblique de la création, au livre de la Genèse. Quand le Seigneur crée l’être humain, « mâle et femelle », dit l’auteur sacré, il le fait « à son image et comme sa ressemblance » (Genèse 1,26-27) Or ceci est dit, non seulement des chrétiens croyants, mais de tous les humains sans exception, à partir de l’instant de la conception jusqu’à l’heure de la mort naturelle, en incluant ceux qu’on méprise, qu’on opprime et qu’on viole. C’est dire que, dans le projet divin de la création, tout être humain possède une dignité inaliénable ̶ ça veut dire en termes plus simples : une dignité que personne ne peut lui enlever.
Mais dès que l’être humain est créé, il tombe dans le péché. Le péché des origines, le péché fondamental, celui qui, pour nous autres, est à la source de tous les autres, c’est celui-ci : se passer de Dieu, se prendre pour lui, essayer d’organiser toute notre vie sans nous occuper de lui et en niant notre propre dépendance, notre fragilité, nos limites. Adam et Ève qui, au paradis, mettent la main sur le fruit de l’arbre de la connaissance, c’est chacun de nous qui cherche à grandir, à posséder, à tout contrôler comme si on n’avait pas d’autre point de référence que notre petite personne à nous autres. Vous savez, encore aujourd’hui, c’est le péché majeur de notre société, celui qui est à l’origine des glissades et des dérapages moraux du monde moderne. La semaine passée encore, en zappant, je suis tombé par hasard sur une émission télévisée qui traitait des croyances des Québécois et Québécoises en 2009. Plusieurs, surtout parmi les plus jeunes, répondaient : « Oui, je suis croyant, croyante; je ne crois pas en Dieu, mais je crois en moi-même. » L’erreur d’Adam est devenue l’erreur majeure de notre société.
Oui, encore aujourd’hui, chaque personne humaine est créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Mais par dessus cette belle figure transparente qui devrait normalement diffuser de la lumière et de la joie, par-dessus cette belle figure, le péché met un masque : un masque artificiel, un masque triste ou un masque de clown au sourire faux, qui cache tout le drame qui se joue dans les profondeurs sombres du cœur humain.
Comme Adam et Ève, l’homme moderne a besoin de réconciliation. L’homme moderne a besoin que quelqu’un l’aide à arracher le masque qui voile le vrai visage de Dieu qui se cache derrière l’apparence, la façade. Cette aide privilégiée, c’est la rencontre de Dieu, tout spécialement dans le sacrement du pardon. Au soir de Pâques, Jésus a confié cette tâche à ses apôtres et aux responsables de l’Église qui vont leur succéder : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » (Jean 20,23)
Voilà bien un des ministères les plus beaux qui s’exercent au Centre de la rue Don Bosco : tous ces miracles d’arrachage de masques qui se produisent de semaine en semaine dans la rencontre personnelle avec un prêtre. Mais ce ministère, il n’est pas seulement l’affaire des prêtres. Il est la responsabilité de toute la communauté. La mère de famille qui apprend à son enfant à lui confier ses gaffes et ses mauvais coups et qui l’accueille ensuite avec amour s’inscrit déjà dans ce ministère ecclésial de guérison et de pardon. Le catéchète qui explique et applique à aujourd’hui la Parole de Dieu est déjà, si je puis dire, un “pré-ministre” du sacrement.
Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul nous a laissé ce petit passage irremplaçable : « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc des ambassadeurs pour le Christ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2 Corinthiens 5,17-20)
4° Réconciliation de l’Église avec le monde d’ici
J’ai un dernier point à aborder, à propos de réconciliation. Un point un peu délicat. Je l’ai intitulé : réconciliation de l’Église avec le monde d’ici.
Jésus parle de réconciliation. Avant de réconcilier les autres, l’Église, me semble-t-il, doit commencer à se réconcilier elle-même:
• avec le monde;
• avec le présent et l’avenir;
• avec les jeunes, les marginaux, les psychiatrisés;
• avec les intellectuels, les artistes, les leaders politiques.
Dans les dernières années, notre Église s’est peut-être repliée un peu sur son intérieur, au lieu d’entretenir un dialogue suivi avec ceux qui ne pensent pas comme elle, ceux qui peuvent l’interpeller, qui peuvent l’aider à se décaper. Notre Église a-t-elle les ailes suffisamment déployées ? Quand un oiseau garde les ailes contre son corps, il risque de voler bas... longtemps. Une fois réconciliée avec l’espace et le temps présents, notre Église va jouer beaucoup mieux son rôle de réconciliatrice: auprès des couples, des générations, des groupes sociaux et professionnels. Mais surtout, elle sera réconciliatrice des coeurs, entre eux et avec Dieu.
Un certain nombre de gens ont tourné le dos à l’Église à partir de ou sous prétexte de mauvaises expériences au confessionnal. Or, ça fait des dizaines et des dizaines d’années qu’on n’a pas eu de démarche d’ensemble, au Québec, pour promouvoir le trésor qu’est le sacrement du pardon et pour chercher des moyens concrets de l’ajuster à la culture d’aujourd’hui. Il est grand temps, à mon avis, qu’on revalorise le trésor. À la question: « Comment ? », je ne sais pas répondre. Mais je sais répondre à la question: « Où ? » Oui, il faut se diriger vers une redécouverte du trésor : on sait très bien où le trouver. Ainsi notre Église va devenir, non seulement championne de la délicatesse envers les personnes, mais elle va redevenir, et avec des méthodes neuves, pédagogue de la délicatesse des consciences.
Un excursus : deux titres marials un peu ambigus
À ce stade-ci, j’aimerais dire un mot de deux titres qu’on attribue parfois à Marie, mère de Jésus, et qui pourraient poser un certain problème à l’échelle de l’Église universelle. Cinq cardinaux ont, paraît-il, demandé au pape Jean-Paul II, qui avait, on le sait, une spiritualité mariale exceptionnelle, de promulguer un dogme qui définirait Marie comme « médiatrice de toutes grâces et co-rédemptrice ». D’après les dernières statistiques, il y a actuellement un total de 196 cardinaux; ça veut donc dire que 191, c’est-à-dire 97½% d’entre eux, n’ont pas signé la pétition ! Remarquez que je n’ai pas d’objection majeure à ce que, dans une spiritualité particulière, on invoque Marie sous l’un ou l’autre de ces deux vocables. Mais à l’échelle de l’Église universelle, cela ne va pas tout à fait comme un couteau dans le beurre mou, spécialement au plan oecuménique.
Quand des auteurs spirituels emploient ces termes pour désigner ou prier la Vierge, ils sont en général conscients des nuances qui s’imposent. Mais malheureusement, l’utilisation populaire qu’on en fait ne se barre pas les pieds dans les nuances.
L’Écriture dit en toutes lettres ̶ et c’est toujours à partir de la Bible qu’on établit la norme de la foi chrétienne ̶ : « Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous. » C’est tiré de la première lettre de Paul à son disciple Timothée (1 Timothée 2,5-7). Donc, au dire des saintes Écritures et au sens strict, aucun autre médiateur ou médiatrice ne se superpose au Christ crucifié et ressuscité, à la fois homme et Dieu.
On doit dire la même chose de l’oeuvre de rédemption. Je cite encore saint Paul, dans sa lettre aux Éphésiens: « C’est en Jésus, par son sang, que nous trouvons la rédemption, le pardon des péchés, selon la richesse de son don gratuit. » (Éphésiens 1,7) C’est probablement plus juste, ou en tout cas ça évite bien des problèmes, de s’adresser à Marie comme à la Mère universelle et de solliciter son intercession. Le mot « intercession » me semble le mieux adapté. Marie est l’humaine la plus puissante qui puisse acheminer nos prières au ciel et intercéder pour nous. De grâce, n’arrachons pas Marie à notre humanité, en en faisant une quasi-déesse lointaine ou une extra-terrestre avec ou sans soucoupe volante. Même dans les titres qu’on lui adresse, gardons-la toute familière et proche de nous.
Conclusion : cinq consignes
Permettez que je termine mon exposé par des consignes : cinq consignes, que j’adresse tout spécialement aux habitués du Centre Notre-Dame-de-la-Salette.
Premièrement, je vous invite à toujours axer votre spiritualité particulière, qui est bien belle, sur la Parole de Dieu. Chaque fois que l’Église a cherché en dehors des saintes Écritures des chemins d’expression de la foi chrétienne, elle a pris des risques, au moins des risques pédagogiques. Et c’est encore plus vrai dans une période comme la nôtre où la majorité des gens ont fait des études et ne se gênent pas pour mettre en doute la foi qu’ils ont reçue. La parole humaine est utile, mais limitée. La Parole de Dieu, elle, est incontournable, et elle possède un pouvoir insoupçonné pour transformer les cœurs et les sociétés. La Parole de Dieu a la puissance de Dieu lui-même. C’est la lettre aux Hébreux, dans la Bible, qui le dit le plus clairement ̶̶̶ je cite ̶ : « La Parole de Dieu est vivante et efficace. Elle est plus tranchante qu’une épée à deux tranchants. […] Elle discerne les désirs et les pensées du coeur humain. » (Hébreux 4,12)
Deuxième consigne: toujours mettre l’accent, quand on parle de Marie, sur le titre de « Mère de Dieu » et « mère de tous les humains ». Quand le Nouveau Testament parle de Marie, il ne sort jamais de ces deux affirmations centrales. Saint Paul, lui, dans toutes ses lettres, ne fait qu’une fois allusion à Marie, et c’est dans l’épître aux Galates : « Quand vint la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme… » (Galates 4,4) Une pareille phrase, ça ne noircit pas beaucoup de papier, mais sur Marie, ça dit tout. Même nos frères et sœurs musulmans reconnaissent Marie comme mère de Jésus et comme vierge. C’est écrit noir sur blanc dans le Coran, leur livre sacré. C’est dire l’importance que peut prendre le mystère de Marie dans le dialogue entre les religions.
Troisième consigne : accueillons Marie, et laissons-nous accueillir par elle. Je vous rappelle une fois de plus l’épisode touchant entre tous où Jésus en croix se dépossède de sa mère pour la confier au disciple, tout en confiant aussi le disciple à la mère. On le voit, la spiritualité mariale de l’accueil se vit dans une double direction. On dit souvent que Marie, au cénacle, soutenait la prière des Apôtres (cf. Actes 1,12-14). Ce n’est pas faux du tout, mais c’est un discours partiel et qui peut, à la limite, devenir mielleux. Pour nuancer, on doit se rendre à l’évidence que Marie elle-même avait un grand besoin, à ce moment-là surtout, d’être soutenue par la prière de l’Église. Elle venait à peine de traverser le moment le plus affreusement pénible de sa vie. Et la joie toute récente du matin de Pâques n’avait sans doute pas tout effacé du souvenir de cauchemar de la terrible semaine de la Passion. Donc, Marie soutenait la prière du noyau primitif de l’Église, mais elle aussi avait besoin de soutien. Chacun de nous autres, exactement comme Marie, est à la fois un soutenant et un soutenu. On comprend par là l’extrême importance de la solidarité des croyants. Tout seul, on est fragile, vulnérable. Ensemble, on devient résistant, à toute épreuve.
Quatrième consigne : on peut bien, dans le cadre de la spiritualité de la Salette, pleurer avec Marie, mais il ne faudrait pas oublier de se réjouir avec Marie. Dans la tradition du rosaire, il y a, bien sûr, les mystères douloureux, mais ils n’occupent que 33⅓% du terrain. Il ne faut pas oublier les mystères joyeux, ceux de l’enfance, et les mystères glorieux, ceux qui découlent du matin de Pâques, y compris la glorieuse Assomption, qui nous laisse entrevoir notre propre résurrection à nous.
Cinquième et dernière consigne : je vous invite fortement à ne jamais dissocier Marie et l’Église. Déjà saint Jean, au chapitre 12 de l’Apocalypse, pave le chemin en ce sens, quand il présente la figure impressionnante de la « Femme drapée de soleil, la lune sous les pieds et la tête couronnée de douze étoiles, enceinte, dans les douleurs de l’enfantement », et poursuivie par un énorme « dragon rouge couleur de feu » (Apocalypse 12,1-4). La Femme en question, c’est d’abord l’Église, affrontée encore aujourd’hui à l’opposition et même, dans certains pays, à la persécution. Mais comme en arrière-plan, la Femme, c’est aussi Marie, dont le destin ne fait qu’un avec le destin de toute l’Église à travers l’histoire. Ne développons jamais une dévotion mariale qui soit en marge, à côté de la vie de l’Église. Aimer Marie, c’est aimer passionnément l’Église. Aimer Marie, c’est aimer passionnément l’eucharistie. Aimer Marie, c’est aimer passionnément tous les humains.
Make Our Lady of La Salette known through your faith!
"I stand at the door and knock. If anyone hears my voice and opens the door, I will come in."
How will you respond to God's invitation?